lundi 1 octobre 2012


Grammaire, logique et pensée


L’étude du point de vue de l’homme sur son propre langage, sans pour autant en faire un métalangage distinct mais en gardant en commun le formalisme qui fait naître grammaire et logique, est d’un intérêt profond.

Exprimant une réflexivité toute philosophique, désireuse souvent pour la pensée d’une proximité plus intime que l’étrangeté du symbole ou du signe, la grammaire semble ici si proche de la logique qu’elle ne laisse point de nous faire souvenir de ses origines, le λόγος héraclitéen, fixant sur le flux des choses l’immuable vertu de ses mots. Elle-même (de γράμμα, lettre) semble vouloir fixer, depuis l’écriture phonétique et la possibilité de la comparer à la parole, les sons de la voix.
Le trivium au Moyen Âge encore nous renseigne sur le voisinage de la grammaire et de la logique (la dialectique), deux de ses disciplines — outre la rhétorique.

Jusqu’à récemment, les deux étaient restées si proches qu’elles ont été, quelquefois, interchangeables : la « grammaire pure » de Husserl ou les « grammaires logiques » du siècle dernier en sont les garantes, et restent tributaires de Port-Royal, c’est-à-dire de la recherche d’un fondement et des règles communes à toutes les langues ; ce à quoi précisément la pensée grecque est étrangère.

La rupture entre grammaire et logique n’est avérée qu’avec l’acquisition, de celle-ci, d’un système de signes propres (Boole, Frege) ce qui ne confirme, loin de l’idée d’une grammaire générale, que la vertu de sa signification étymologique. Et tout comme des débris de la philosophie après Kant s’est détachée la psychologie, la grammaire aujourd’hui ne conserve que sa capacité à préconiser des règles de bon usage, ainsi déchue de son ambition d’universalité au profit de la logique, approchante des mathématiques.